Conte de Savoie
"Dans un grondement
assourdissant, la montagne sembla trembler sur ses bases. Un immense
mur blanc vacilla et soudain bascula.
Dans le village, tous
hurlaient de terreur. Paralysés par la panique qui les
tétanisait, les habitants d'un hameau proche n'eurent d'autre
recours que de crier vers le ciel pour en implorer un improbable
secours. En vain. Un pan entier de montagne se détacha et
glissa furieusement vers la vallée emportant tout sur son
passage.
Le monstre blanc avait
encore demandé qu'on lui sacrifiât quelques vies
innocentes. La montagne restait maîtresse et s'imposait à
l'homme."
C'est par ces phrases
douloureusement chosisies qu'un romancier inédit décrit
en des termes proches du cliché l'épouvantable
catastrophe qu'est une avalanche.
L'auteur est un jeune
savoyard, Thibault, dont l'amour pour Ophélie dicta
quelques magnifiques vers, eux-aussi oubliés. Il fut également
le premier à décire de manière aussi précise
la catastrophe naturelle qui endeuille traditionnellement les
périodes de vacances et perturbe parallèlement le
commerce local.
De tout temps, il y eut
des avalanches et la mémoire montagnarde a inscrit l'évènement
dans ses gènes. Tout enfant de Savoie sait que la montagne est
dangereuse. Il faut être de la plaine pour croire que, parce
que l'on est en vacances, la montagne se repose aussi.
Très tôt,
on apprend à reconnaître les signes précurseurs
de l'avalanche. La neige fraîche qui recouvre la neige glacée,
un rayon de soleil qui vient se poser sur ce mélange et cela
suffit parfois au déclenchement de l'éboulement de
neige.
A l'inverse, un fort gel
peut provoquer un autre éboulement en faisant éclater
la roche qui s'effrite et roule au bas de la vallée.
Avalanches et chutes de pierres sont parfois mélées.
Au pays des neiges, on
sait se prévenir du risque en évitant les passages
dangereux ou en provoquant artificiellement des éboulements
contrôlés.
On s'avertit aussi
mutuellement du danger. De même que les
bûcherons crient "Timber" avant de procéder à
l'abattage d'un arbre, les montagnards font résoner les
vallées d'un appel rituel "Gel! Eboule!".
"Gel! Eboule!"
signale le danger et permet à tous de se protéger.
Un traité
d'avalanchologie du XIVème siècle en fait déjà
mention mais avec l'essor des vacances à la montagne, les
banlieusards parisiens s'emparèrent du mot et en firent un de
leurs codes linguistiques propres.
En banlieue parisienne,
le risque d'avalanche est plus faible mais le mot est resté.
Sous l'influence de
pédagogues linguistes locaux, eux-mêmes marqués
par une formation lacanienne tendance calembour, le cri des valeureux
valaisans
s'est transformé et on en a changé l'orthographe
fondamentale.
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