Frédéric Cosseron 

Récits Merveilleux autour de la Crémaillère

et autres Contes Illustrés

Textes humoristiques - 1996

 

En 1995, je déménage en famille pour habiter ma première maison de propriétaire terrien. L'evènement se doit d'être salué à sa mesure. Inspiré par la lecture de "La Puce à l'Oreille - Anthologie des expressions populaires et de leur origine" de Claude Duneton (Editeur Le Livre de Poche - Edition originale 1990 - Nouvelle édition 2002 - Collection Ldp, numéro 5516) j'écris donc un texte farfelu sur l'origine de l'expression "pendre la crémaillère". Puis, me prenant au jeu, j'imagine d'autres origines possibles de la même expression. Par la suite, je me pencherai sur d'autres cas d'espèces. En hommage à Pierre Desproges (Manuel du Savoir-Vivre à l'Usage des Rustres et des Mal-Polis, L'Almanach), chaque chapitre s'enrichit d'une illustration, toujours identique d'une expression à l'autre, dont seule la légende change.
D
Les Récits Merveilleux
autour de la Crémaillère

La Pendule de Versailles

La Véridique Histoire d'Ophélie et de Thibault

Querelles intestines

Le Juron du Roi

Tradition Villageoise

Enigma
Les Contes Illustrés

Le Jardinier Matinal

Du Travail et du Pain

Le Grimoire Retrouvé

Conte de Savoié

Gourmandises

Un Gourmet de Bonne Humeur

Conte de Savoie

"Dans un grondement assourdissant, la montagne sembla trembler sur ses bases. Un immense mur blanc vacilla et soudain bascula.

Dans le village, tous hurlaient de terreur. Paralysés par la panique qui les tétanisait, les habitants d'un hameau proche n'eurent d'autre recours que de crier vers le ciel pour en implorer un improbable secours. En vain. Un pan entier de montagne se détacha et glissa furieusement vers la vallée emportant tout sur son passage.

Le monstre blanc avait encore demandé qu'on lui sacrifiât quelques vies innocentes. La montagne restait maîtresse et s'imposait à l'homme."

C'est par ces phrases douloureusement chosisies qu'un romancier inédit décrit en des termes proches du cliché l'épouvantable catastrophe qu'est une avalanche.

L'auteur est un jeune savoyard, Thibault, dont l'amour pour Ophélie dicta quelques magnifiques vers, eux-aussi oubliés. Il fut également le premier à décire de manière aussi précise la catastrophe naturelle qui endeuille traditionnellement les périodes de vacances et perturbe parallèlement le commerce local.

De tout temps, il y eut des avalanches et la mémoire montagnarde a inscrit l'évènement dans ses gènes. Tout enfant de Savoie sait que la montagne est dangereuse. Il faut être de la plaine pour croire que, parce que l'on est en vacances, la montagne se repose aussi.

Très tôt, on apprend à reconnaître les signes précurseurs de l'avalanche. La neige fraîche qui recouvre la neige glacée, un rayon de soleil qui vient se poser sur ce mélange et cela suffit parfois au déclenchement de l'éboulement de neige.

A l'inverse, un fort gel peut provoquer un autre éboulement en faisant éclater la roche qui s'effrite et roule au bas de la vallée. Avalanches et chutes de pierres sont parfois mélées.

Au pays des neiges, on sait se prévenir du risque en évitant les passages dangereux ou en provoquant artificiellement des éboulements contrôlés.

On s'avertit aussi mutuellement du danger. De même que les bûcherons crient "Timber" avant de procéder à l'abattage d'un arbre, les montagnards font résoner les vallées d'un appel rituel "Gel! Eboule!".

"Gel! Eboule!" signale le danger et permet à tous de se protéger.

Un traité d'avalanchologie du XIVème siècle en fait déjà mention mais avec l'essor des vacances à la montagne, les banlieusards parisiens s'emparèrent du mot et en firent un de leurs codes linguistiques propres.

En banlieue parisienne, le risque d'avalanche est plus faible mais le mot est resté.

Sous l'influence de pédagogues linguistes locaux, eux-mêmes marqués par une formation lacanienne tendance calembour, le cri des valeureux valaisans1 s'est transformé et on en a changé l'orthographe fondamentale.

1 D'accord le Valais ce n'est pas la Savoie mais j'avais envie.

La salle de rédaction du journal "La Montagne"
(d'après un croquis du XIXème siècel attribué à Julien Sorel)
 

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Photographies Corinne Cosseron